L’enfance irrégulière à la Libération

Naissance de l’éducation spécialisée

«  Si ta mère ne peut te nourrir, si ton père te maltraite, si tu es nu, si tu as faim, viens mon fils, les portes te sont toutes grandes ouvertes et la France est au seuil pour t’embrasser et te recevoir. Elle ne rougira pas, cette grande mère, de prendre pour toi les soins de la nourrice, elle te fera de sa main héroïque la soupe du soldat, et si elle n’avait pas de quoi envelopper, réchauffer, tes petits membres engourdis, elle arracherait plutôt un Pan de son drapeau. » 

Jules Michelet, 1846


 

L’éducation spécialisée naît un siècle après cette proclamation lyrique en faveur de la prise en charge par la nation des enfants en danger. C’est dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale et de la Libération qu’émerge ce nouveau secteur professionnel consacré à l’enfance dite inadaptée. Il dépend alors pour l’essentiel de l’initiative privée.

L’heure est à la réflexion théorique (travaux du comité technique de l’enfance déficiente), aux avancées législatives (ordonnance du 2 février 1945) et aux expérimentations institutionnelles (Associations Régionales de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence).

Cet élan se traduit localement. Les structures d’accueil jusqu’alors dominées par les œuvres religieuses se transforment. De nouveaux centres mettant en musique de nouvelles conceptions de la rééducation de l’enfant « hors-normes » sont progressivement créés. La mobilisation est générale : État, département, acteurs locaux philanthropes, médecins, juristes, associations de parents sont engagés dans le projet.